AccueilNon classéLa punchline du Vendredi : Booba (Feat Djé) – Salade Tomates Oignons

La punchline du Vendredi : Booba (Feat Djé) – Salade Tomates Oignons

Le morceau : C’est un morceau un peu  particulier dans la discographie du DUC, un morceau promotionnel d’abord disponible uniquement en clip, puis placé sur l’album 0.9 et également remixé sur Autopsie Vol. 3. Dans le texte, Booba se démarque ce qu’il fait le plus souvent pour donner un ton plus introspectif à son égotrip. (Un ton proche de celui employé par Dosseh quelques années plus tard dans la partie Yin de « Yin Yang », cf. La Punchline du Dimanche).Aussi, il est difficile quand on parle de l’ours, de choisir une punchline parmi d’autres, j’ai donc choisi arbitrairement d’opter ma préférée (Fuck the world).

« Gros numéro 10, avant qu’Iblis ne me choisisse / Prie pour que les rivières du Styx se refroidissent » Booba (Ft. Djé) – Salade Tomates Oignon

Le sens : Booba reprend les métaphores religieuses et les appliquent à la vie quotidienne, tout ça en projetant sur la toile de fond de nos cerveaux une putain d’image de cinéma… C’est lourd.
Ce serait vous insulter que de vous expliquer la signification qu’a le numéro 10 pour le Boss du rap game, si vous ne savez pas (Shame on you)  allez écouter la chanson d’urgence !
Ensuite Iblis c’est l’équivalent du Diable pour les musulmans, c’est un Démon. En fait, Iblis n’est pas seigneur des Enfers, c’est un Djinn qui a été banni par Allah pour avoir refusé par orgueil de se soumettre devant Adam. Mais au fil des années il a été associé à Satan.
Les rivières du Styx nous viennent de la mythologie grecque, bien qu’elles soient présentes également dans les religions monothéistes. C’est le flot formé par les âmes envoyées en Enfer.
Booba choisit le paradoxe pour décrire sa vie et son environnement comme toujours. Il demande aux gens de prier pour que l’enfer s’adoucisse, de demander à Dieu de faire une faveur à ceux dans l’Haram. Parce que la vie parfois ne laisse pas le choix. Il sait qu’il est dans l’erreur d’un point de vue religieux et il ne compte pas s’en défendre.
L’emploi des termes religieux et les références aux mythologies donne un aspect grandiose à la phase, c’est ça une punchline.
Technique : AVIS A TOUS CEUX QUI PENSENT QUE BOOBA EST UN ILLETRE OU AUTRE INEPSIE DU GENRE … LISEZ CA.
Le Duc nous livre là un parfait exemple de son talent d’écriture. La phase requiert d’être décortiquée dans tous les sens.
Dans la première phase, trois rimes suffisantes, rien que ça…  « Numéro 10 », « Iblis » et « choisisse ».
Dans la deuxième phase : Allitération avec la répétition du son « r » associé à différents autres jeux d’énonciation : « prie » « pour », deux « r » associés à un « p », tout ça à la suite ; « rivières » dont la première syllabe rime avec la dernière de « prie », et « refroidissent ». On note qu’en début de la phase on a un « r » par mot (« prie » et « pour ») et à la fin, deux « r » par mot (« rivières » et « refroidissent ».
Mais ce n’est pas tout, en effet si on se penche plus profondément sur les mots, on se rend compte qu’en plus d’être ultra-élaborée, la structure de rime proposée joue avec la richesse des rimes ! Ainsi, la rime de fin « refroidissent » fait une rime riche avec le « Numéro 10 » du début, c’est-à-dire que les trois derniers sons sont communs : d-i-s (rime suffisante : i-s ; rime pauvre : s).
Et alors que c’est une rime riche qui lie le début de la première phase à la fin de la deuxième, c’est une rime multi syllabique qu’a choisi Booba pour lier la fin de la première avec la fin de la deuxième. En effet, « ‘Blis ne me choisissent » et « Styx se refroidissent » ça rime sur 5 syllabes, ni plus ni moins.
On note aussi le travail sur les consonnes des rimes dans la première phase, on commence par le « d » de « dix », consonnes très dure, on enchaine avec le « b » d’  « Iblis », consonne un peu moins douce pour finir avec le « s » de « choisissent », consonne douce.
Bref, je m’arrêterai là en soulignant qu’en prenant en compte toutes les échelles et les types de rime on peut bien en compter une petite dizaine dans ces deux seules phases…
Qu’on le veuille ou non, que vous l’aimiez ou pas, obligé de reconnaître que rares sont les punchlines aussi élaborées dans le rap.
Le rap, c’est une technique.
Forme : + + + + +
Fond : + + + +
On peut pas le nier… C’est du lourd !
Bien sûr, tous les avis et interprétation énoncés ici sont subjectifs et tout autre avis peut être pertinent !

Bonnie
Bonnie
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