« Le Saviez tue ? » Épisode 1 : Le premier clash de Booba.

Cher Internaute,
Si je t’écris aujourd’hui, c’est afin de te rappeler que les clashs entre rappeurs, notamment ceux impliquant Booba, ne sont pas toujours violents. « Le saviez-tue ? »
En effet tu m’écris souvent que les clashs salissent l’image du rap, parfois, dans tes moments de lucidité, tu m’écris même qu’il n’y a rien de constructif dans les clashs, qu’il n’y a pas de débat sur l’une ou l’autre des visions du rap…
Faux.
Et oui, mon internaute adoré, aujourd’hui je vais te raconter brièvement l’histoire du clash entre Fabe et Booba.
– « C’est qui Fabe ? »
Ouvre un dictionnaire de la rue, rubrique Scred Connexion et tu sauras mon ami.
Tu sais, à l’époque Fabe et Booba étaient considérés comme les meilleurs rappeurs de leur génération. Or, Fabe ( qui s’est retiré du rap depuis ) voyait le rap comme une musique qui doit « s’ancrer dans le réel« . Pour lui, le réel ce n’est pas d’être un gangster, il a donc attaqué le gangsta rap sous toutes ces formes tout au long de sa carrière.
Le point culminant de cette lutte c’est le morceau « Des durs, des boss, des dombis... » (1997, album : « Le Fond et la Forme« ), tu dois connaître, c’est un classique. Il s’y attaque à Stomy Bugsy (Cf « La guerre du rap« ), à NTM ( cf « Les pyromanes aux bains douches« ) ainsi qu’à Booba, notamment avec la phase : « des Mc’s Qui s’font la guerre sur des maxis parlent d’avoir du cash, N’ont pas assez pour prendre un taxi…« . Il fait ainsi référence à la condamnation de Booba pour braquage de taxi.
Or tu sais de Booba que l’image qu’il défend du rap est toute autre… Cela dit, il n’y a pas eu de réponse immédiate, en effet, les insinuations de Fabe à l’égard de Booba étaient pour le moins implicites, à l’image de celle de Rohff durant 10 ans.
Mais 3 ans plus tard, Booba a repris une phase que Fabe prononçait dans le morceau en question :
« C’est tellement bas que pour en parler faudrait que je me fasse mal au dos » en 1997, devient en 2000 dans la bouche de Booba : « J’suis tombé si bas que pour en parler faudrait que j’me fasse mal au dos…. Putain quelle rime de bâtard ! » sur l’illustre morceau « La Lettre« , de son groupe Lunatic.
(D’ailleurs je ne te cache pas que la mise en forme de cette chronique a bien été inspirée du concept du titre…)
Dans ce morceau, Booba envoie une lettre depuis la prison (condamnation, braquage de Taxi, tout ça…), c’est pour ça qu’il dit être « tombé si bas« . Du coup, tu reconnaîtras qu’il fait preuve d’une certaine dérision quand même, en reprenant la phase de Fabe dans ce contexte.
Finalement, cela a eu pour effet de créer deux interprétations différentes de cette réponse de Booba. Tu comprends, d’un côté certains pensent que le duc trouve la Punchline de Fabe médiocre et il la qualifie de « rime de bâtard » ou au contraire, d’autres pensent que c’est une marque de respect et que Booba reprend la phase et signifie qu’il apprécie l’écriture.
C’est Koma, le fondateur, avec Fabe, de la Scred Connexion, qui m’a donné la réponse la plus constructive. Bon, je te cache pas qu’en fait c’est un copain des Inrocks qui lui a soutiré la solution dans un très bon papier .. article dispo ici.
En réalité, il pense comme moi que c’est à la fois une réponse et un hommage, Booba ne se laisse pas faire et taquine Fabe en faisant preuve à la fois d’une violence et d’une finesse d’une qualité égale, technique couramment utilisée par Booba à l’époque et qui lui a valu le titre de meilleur rappeur français.
Tu vois, comme quoi avec Booba, clash est compatible avec respect, même à une époque où tout le monde ne le considérait pas forcément déjà comme le meilleur. Un peu plus tard (beaucoup plus tard ?), son clash avec Sinik fut aussi plutôt respectueux, mais ceci est une autre histoire… (Qui fait beaucoup moins de buzz).
Sur ce, cher internaute, je te laisse méditer sur la place que toi tu as, dans la violence des clashs… Et j’en profite pour méditer sur la place que j’ai, moi rédacteur…
Bien à Toi, Aimeric.
P.S. : je sais très bien que « Le Saviez Tue ? » c’est pas français hein… N’en doute pas.